Nous voilà revenus à « l’heure normale de l’Est » et mon sommeil va redevenir pour un temps tout sauf… normal.

Je le dis comme ça sort : je déteste les changements d’heure deux fois par année.

Voici un enjeu qui devrait enjamber tous les canyons de la polarisation de l’époque, qui devrait fédérer les trumpistes et les transgenres, Québec solidaire et François Legault, Québec et Montréal ainsi que ceux qui pensent que le but d’Alain Côté était bon, comme ceux qui savent la vérité à ce sujet…

Cessez de toucher à l’horloge, tabarslak !

Arrêtez, de grâce, arrêtez de toucher à notre sommeil.

C’est ce que conseille par ailleurs la Société canadienne du sommeil — oui, il existe une telle chose que la Société canadienne du sommeil —, qu’on cesse de toucher à l’horloge. Qu’on reste l’année durant à l’heure « normale », celle à laquelle on vient de revenir, dimanche à 2 h du matin.

Consultez la position de la Société canadienne du sommeil sur l’utilisation de l’heure avancée

Depuis le 13 mars quand nous sommes passés de 1 h à 3 h sans arrêt à 2 h, nous étions donc à l’heure dite « avancée ».

Nous sommes des milliers à redouter ces changements d’heure, parce que ça bousille notre sommeil. Ces prochains jours, je sais que je vais dormir moins bien, que je vais être plus fatigué au réveil et plus enclin à souffrir d’insomnie au coucher. Tout ça va me rendre de mauvaise humeur.

Ce n’est pas simplement une impression, une sorte d’effet placebo. Les rythmes circadiens sont affectés par ces changements d’heure artificiels.

Je cite la Société canadienne du sommeil, qui plaide pour l’heure normale, l’heure aussi dite « solaire », à l’année : « Plusieurs associations nationales et internationales de chercheurs sur le sommeil et les rythmes biologiques ont publié des déclarations sur la question. Jusqu’à présent, elles ont toutes reconnu que l’heure avancée impose des décalages circadiens, avec une perte de sommeil néfaste d’une heure lors du passage à l’heure avancée au printemps qui peut se poursuivre jusqu’au retour à l’heure normale à l’automne et même au-delà… »

Que disais-je, déjà ?

Ah oui : cessez de toucher à l’horloge, ta…

Il y a donc que l’heure avancée est moins en phase avec nos besoins de lumière et de sommeil. Et il y a le dérangement arbitraire, en mars et en novembre, des habitudes de sommeil qui se sont développées depuis des mois.

Résultat : plus de déprime, de pertes de concentration et de mémoire, d’irritabilité et de vigilance plus faible, entre autres, selon des spécialistes. Je me reconnais dans tout ça, dans les jours et semaines après les changements d’heure.

Je cite la Dre Nadia Gosselin, professeure de psychologie à l’Université de Montréal et titulaire d’une chaire sur les troubles du sommeil, qui déclarait l’an dernier au Quotidien de Saguenay : « Le sommeil sert à nettoyer les déchets dans notre cerveau, et le manque de sommeil, à long terme, augmente les risques de démence et d’Alzheimer. »

Lisez l’article du Quotidien : « Changement d’heure : des experts sonnent l’alarme »

La chercheuse relayait un consensus scientifique qui s’énonce comme une vérité de La Palice : bien dormir, c’est aussi important que de bouger souvent et de bien manger…

Pourtant, nos gouvernements s’entêtent à bousculer les habitudes de sommeil deux fois par année et à ne pas adopter l’heure normale-solaire-naturelle, mieux adaptée à nos besoins en sommeil et en lumière.

Une chance que je ne suis pas adepte de complots, j’y verrais une tactique pour nous garder dans un état quasi perpétuel de manque de sommeil…

Ce qui me tue, depuis quelques jours, c’est de lire la même formule un peu nounoune dans les articles qui annoncent le changement d’heure de dimanche : on « gagne » une heure de sommeil…

OK, pis on en perd combien, dans les jours et dans les semaines qui suivent ?

Nous sommes des millions à répondre : plein et trop.

De temps à autre sous nos latitudes, il y a des débats (qui font patate) sur la nécessité de garder l’heure normale à l’année : le député péquiste Pascal Bérubé prêche dans le désert parlementaire à ce sujet depuis longtemps. L’Ontario a adopté une loi en ce sens qui entrera en vigueur… quand le Québec et l’État de New York adopteront des lois en ce sens. Même chose en Colombie-Britannique : une loi a été adoptée, mais n’entrera en vigueur que si ses voisins de la Californie, de l’Oregon et de l’État de Washington cessent de toucher à leurs horloges.

Il y a eu une lueur d’espoir en début d’année quand le Congrès américain a failli adopter l’heure normale : le Sénat a adopté à l’unanimité une loi en ce sens en mars… Mais la Chambre des représentants n’a pas ratifié la mesure.

Il va sans dire que si le géant américain adoptait l’heure normale pour son territoire, les provinces canadiennes n’auraient pas vraiment d’autre choix que de suivre…

Je souligne que la Saskatchewan a affirmé son indépendance dans tout ce débat : elle est à l’heure normale dite « centrale » 365 jours par année depuis plus d’un siècle.

Consultez la page du gouvernement de la Saskatchewan consacrée à l’heure unifiée

Regardez votre montre : il est une heure plus tôt à Saskatoon…

Oui, je sais, bon, Sa-ska-toon. Si vous êtes déjà passé par Saskatoon, vous comprenez pourquoi j’en découpe chaque syllabe, en italiques.

Je ne pensais jamais dire ça, mais allons-y : je rêve quand même un peu de Saskatoon depuis hier.