(Ottawa) Les jours sont comptés au Canada pour les sacs d’épicerie en plastique et les contenants en polystyrène des mets à emporter.

Le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, a publié mardi un projet de règlement décrivant comment le Canada souhaite interdire, d’ici la fin de 2022, la fabrication, l’importation et la vente de six articles en plastique à usage unique qui sont difficiles à recycler.

Le projet de règlement fédéral vise à éliminer de la vie quotidienne des Canadiens six catégories d’articles en plastique : les sacs d’emplettes, les ustensiles, les contenants pour aliments fabriqués à partir de « plastiques problématiques », les anneaux qui relient six canettes, les petits bâtonnets à café et les pailles.

Le règlement proposé prévoit une exception pour les patients et les personnes ayant certains handicaps qui ont besoin de pailles flexibles en plastique à usage unique afin de manger, boire ou prendre des médicaments.

Le projet de règlement décrit comment chacun de ces produits sera défini. Par exemple, les sacs en plastique qui seront interdits seront ceux fabriqués à partir de film plastique, qui se briseront ou se déchireront « s’ils sont utilisés pour transporter 10 kilos sur 53 mètres à 100 reprises ».

Les ustensiles à proscrire seront ceux qui ne garderont pas leur forme « lorsque plongés pendant 15 minutes dans de l’eau maintenue entre 82 °C et 86 °C » – presque bouillante.

Le public pourra formuler ses commentaires écrits sur le projet de règlement jusqu’au 5 mars et le calendrier des règlements définitifs dépendra de la quantité de commentaires reçus. En vertu des règles de l’Organisation mondiale du commerce, le Canada doit autoriser une période de mise en œuvre progressive de six mois une fois les règlements définitifs publiés, mais le ministre Guilbeault s’attend à ce que ces mesures entrent en vigueur d’ici la fin de 2022.

Faire le ménage dans le recyclage

Il a rappelé que l’interdiction de ces articles ne constitue qu’une partie de la stratégie, puisque les articles qui ne seront pas bannis devront toujours être recyclés. « Beaucoup de gens se concentrent sur l’interdiction – et c’est important –, a-t-il dit, mais l’un des plus grands défis que nous avons est de faire le ménage en matière de recyclage ».

Un rapport commandé en 2019 par Environnement et Changement climatique à la firme Deloitte indiquait en effet que 3,3 millions de tonnes de déchets plastiques avaient été jetées en 2016 et que moins de 10 % de ces déchets avaient été recyclés.

Il n’y avait alors que 12 entreprises de recyclage dans tout le pays. Le Canada s’est fixé comme objectif de recycler 90 % des déchets plastiques d’ici 2030 et le ministre Guilbeault a déclaré que des travaux étaient en cours pour normaliser et coordonner le recyclage entre les provinces. Il prévoit aussi de nouvelles normes pour les plastiques, afin de les rendre plus faciles à recycler, ainsi qu’une exigence selon laquelle la moitié de tous les emballages en plastique doivent être fabriqués à partir de matériaux recyclés.

En 2016, près de 30 000 tonnes de déchets se sont retrouvées dans l’environnement, semant dans les rivières, les plages et les forêts des gobelets à café, des bouteilles d’eau, des sacs d’épicerie et des emballages alimentaires.

« Les gens sont fatigués de voir ces déchets dans nos rues et je pense que certaines des images frappantes, que nous avons vues dans le monde, de déchets plastiques affectant notre écosystème ont vraiment touché les gens, a ajouté M. Guilbeault. Alors ils veulent que l’on bouge – et nous bougeons. »

Trop peu, trop lent

Sarah King, responsable de la campagne sur les océans et les plastiques à Greenpeace Canada, estime que le gouvernement ne va pas assez vite ni assez loin. Mme King souhaitait que tous les plastiques à usage unique soient interdits, y compris les bouteilles en plastique, les filtres à cigarettes, les gobelets à café et les emballages alimentaires.

« Les Canadiens attendent depuis longtemps que le gouvernement fédéral prenne des mesures fortes et urgentes pour lutter contre les déchets plastiques et la pollution, et ces règlements ne reflètent certainement pas cet appel à l’action », a-t-elle soutenu mardi.

Mme King croit que le gouvernement devait également concentrer son énergie et son argent sur la transition qui ferait passer les Canadiens d’une stratégie « usage unique et recyclage » à une stratégie « réutilisation et recharge ».

Le premier ministre Justin Trudeau avait déclaré il y a plus de 18 mois que certains articles de plastique à usage unique seraient éliminés dès 2021, mais la pandémie a retardé à Ottawa l’évaluation scientifique qui a finalement désigné les produits en plastique comme des « substances toxiques », en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement. Il fallait ensuite déterminer les articles à cibler en premier par une interdiction.

L’industrie conteste

En mai dernier, des entreprises se sont alors regroupées sous la bannière de la Coalition pour une utilisation responsable du plastique, qui poursuit maintenant le gouvernement fédéral pour cette désignation des produits de plastique comme « substances toxiques ».

La coalition soutient que la désignation « scientifiquement inexacte » est diffamatoire et préjudiciable à cette industrie, qui fabrique de nombreux produits essentiels qui ne sont pas nocifs.

Un porte-parole de la coalition a déclaré mardi que le gouvernement aurait dû attendre la conclusion de cette contestation avant de passer à l’interdiction.

Mais selon le ministre Guilbeault, la poursuite n’avait aucun effet sur les progrès réglementaires, « tout comme la poursuite sur la tarification du carbone ne nous a pas empêchés de la mettre en œuvre au Canada ».