(Ottawa) Des vaccins de Novavax seront fabriqués à Montréal « d’ici la fin de l’année », soit au-delà de l’échéancier de la fin de septembre que s’est fixé le gouvernement Trudeau pour vacciner tous les Canadiens qui le souhaitent.

Un protocole d’entente a été signé avec la société pharmaceutique américaine Novavax pour produire ses vaccins contre la COVID-19 dans les nouvelles installations du Conseil national de recherches du Canada (CNRC), avenue Royalmount à Montréal.

Cela signifie que « des dizaines de millions de doses » seront fabriquées ici quand Santé Canada donnera son feu vert au vaccin, a indiqué mardi en conférence de presse le premier ministre Justin Trudeau, se réjouissant de ce « grand pas en avant pour faire fabriquer des vaccins au Canada, pour les Canadiens ».

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Justin Trudeau

Mais dans les faits, il faudra attendre encore plusieurs mois avant que la production ne se mette en branle. Dans un premier temps, les installations du centre de recherches ne devraient pas être prêtes avant la fin de l’été. Puis sera enclenché leur processus de certification obligatoire.

Le processus prendra « quelques mois », a précisé le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne. Et donc, le coup d’envoi de la production de vaccins à Montréal devrait venir « d’ici la fin de l’année », a-t-il indiqué dans une conférence de presse qui a eu lieu après celle de Justin Trudeau.

« Tous les pays du monde souhaitent produire eux-mêmes des vaccins contre la COVID-19 », a justifié le ministre Champagne, soulignant au passage qu’en temps normal, « il faut au moins deux ans pour construire des installations de fabrication conformes aux bonnes pratiques de fabrication ».

La pharmaceutique établie dans l’État du Maryland a déposé vendredi dernier une demande auprès de Santé Canada afin de faire approuver son vaccin, qui serait efficace à 89 %. Ottawa a conclu une entente avec la société pour acheter 52 millions de doses du vaccin, et a pris une option d’achat sur 24 millions de plus.

Ottawa calcule que 2 millions de doses de vaccin seront produites tous les mois, donc 24 millions par année, dans les installations montréalaises, où le gouvernement fédéral a injecté 126 millions en août dernier.

Le gouvernement continue de viser la fin du mois de septembre pour faire vacciner tous les Canadiens qui le souhaitent. Les vaccins de Novavax qui seront produits à Montréal ne font donc pas partie de ce plan, a-t-on concédé au gouvernement fédéral.

A-t-on tenté d’en venir à une entente avec les fabricants des deux seuls vaccins autorisés au pays jusqu’à présent, Pfizer et Moderna, dont les livraisons ont considérablement ralenti ces dernières semaines ? Justin Trudeau n’a pas voulu répondre à cette question, mardi.

Il a par contre signalé que le fédéral injectait 25 millions pour aider la société Precision NanoSystems, de Vancouver, à construire une usine capable de fabriquer jusqu’à 240 millions de doses de vaccin par année, à compter du printemps 2023.

Le ralentissement européen

Dans l’intervalle, le Canada est toujours aux prises avec des retards de livraison des vaccins de Pfizer et de Moderna, qui sont tous deux fabriqués sur le sol européen, et dont le ralentissement des envois a forcé les provinces à réorganiser de fond en comble leur campagne de vaccination.

Si le gouvernement libéral martèle depuis des jours avoir obtenu l’assurance de la Commission européenne que les restrictions à l’exportation de vaccins ne toucheront pas le Canada, cela ne se traduit pas sur la liste de pays exemptés publiée par les autorités européennes.

Il s’agit là d’une interrogation qui subsiste dans l’esprit du chef conservateur Erin O’Toole. « Pourquoi Justin Trudeau n’a-t-il pas obtenu une exception pour le Canada face à l’interdiction des exportations de l’Union européenne ? » a-t-il soulevé mardi matin dans un communiqué.

Invité à fournir des explications à ce sujet lors de sa conférence de presse, le premier ministre a fait valoir que certains engagements de vive voix entre dirigeants étaient aussi solides que des promesses couchées sur papier.

« Les affaires internationales et les ententes entre nations sont basées sur un grand nombre d’engagements fermes formulés lors de conversations et divulgués publiquement. Ce n’est pas comme dans une cour des petites créances où tu peux montrer un document », a-t-il lancé.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a donné l’assurance mercredi dernier que le mécanisme de transparence sur les exportations de vaccins proposé par l’Union européenne ne visait pas à perturber les exportations de vaccins vers le Canada, a rappelé Justin Trudeau.

Réaction mitigée de l’opposition

L’annonce de mardi a échoué à calmer le flot de reproches qui accable le gouvernement Trudeau en ce qui a trait à l’approvisionnement en vaccins contre la COVID-19. Tous les partis de l’opposition y ont trouvé matière à critiquer les libéraux.

« Nous sommes contents d’apprendre que le Canada va enfin fabriquer des vaccins, ce que nous avons demandé il y a des mois. Mais pourquoi le gouvernement libéral a-t-il tant tardé à agir ? », a déclaré le chef conservateur Erin O’Toole dans un communiqué, mardi matin.

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Erin O’Toole

Le Bloc québécois a fait écho à ces récriminations lors de la période des questions en Chambre.

« Produire le vaccin Novavax à Montréal nous aidera dans l’avenir, mais on a besoin de vaccins dès maintenant. Ça fait 11 mois qu’on est dans la course aux vaccins, a dénoncé la députée Julie Vignola. Le gouvernement aurait dû négocier ça il y a 11 mois. »

Dans le camp néo-démocrate, le chef adjoint Alexandre Boulerice a souligné que les gouvernements avaient négligé pendant trop longtemps la production locale de vaccins.

« Remettre la pâte à dents dans le tube, ça coûte cher en vies humaines. Les citoyens paient le prix de longues années de privatisation dans la production domestique de vaccins sous les libéraux et les conservateurs », a-t-il dit dans une déclaration à La Presse.

« On doit continuer de se battre pour rebâtir notre capacité de production domestique », a-t-il ajouté.

Tests rapides

Le premier ministre a par ailleurs profité de son allocution pour envoyer un rappel à l’ordre aux provinces et aux territoires au sujet des tests de dépistage rapides.

« On a déjà envoyé plus de 17 millions de tests rapides aux provinces et aux territoires. Toutefois, jusqu’à maintenant, seulement un peu plus de 3 millions d’entre eux ont été utilisés », a-t-il souligné.

« Je continue d’encourager les provinces d’en faire bon usage. Ils sont essentiels pour garder le nombre de cas aussi bas que possible », a ajouté Justin Trudeau.

Le gouvernement collabore directement avec le secteur privé, dont le CDL Rapid Screening Consortium, qui réunit différentes entreprises, pour déployer les tests dans les milieux de travail.

« Grâce aux tests de dépistage rapides, les gens qui ne peuvent pas travailler à distance ont une possibilité de dépistage et une protection supplémentaires », a plaidé le premier ministre.

Les tests peuvent être utilisés dans les écoles, les centres de soins de longue durée ou les milieux de travail.