Les 9 et 10 février, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, s’est rendu à Bruxelles pour y rencontrer les 27 chefs d’État siégeant au Conseil de l’Europe. Si cette rencontre a pu projeter l’image d’une grande cohésion au sein de l’Union européenne, la réalité en trahit les limites.

Les sanctions ? Oui, mais…

Ces limites s’observent d’abord dans l’efficacité des sanctions imposées contre la Russie. Si celles imposées par les pays européens sont sans précédent, leur impact n’est en effet que partiel : le Fonds monétaire international prévoit une croissance du PIB russe de 0,3 % en 2023.

C’est à l’exportation de ses ressources énergétiques que la Russie doit la bonne tenue relative de son économie. Il s’agit du secteur sur lequel les pays de l’Europe sont les plus divisés, en raison de leur forte dépendance énergétique à l’égard de la Russie. On se souviendra notamment de la lenteur avec laquelle ces pays sont parvenus à une entente sur l’interdiction des importations de pétrole russe. Cette interdiction est en vigueur depuis décembre pour le pétrole brut, mais que depuis le 5 février pour le pétrole raffiné. Or, les effets de ce bannissement sur la Russie prendront du temps à se matérialiser.

En ce qui a trait au gaz, l’Union européenne n’a diminué que partiellement ses importations de gaz russe. Ses achats n’ont pu que contribuer à l’économie de la Russie.

La difficulté de trouver une unité sur ce front était manifeste lors de la récente visite de Zelensky à Bruxelles. Le président ukrainien avait demandé un durcissement des sanctions contre le secteur de l’énergie, particulièrement à l’égard de Rosatom, principale entreprise russe dans le nucléaire. L’Union européenne n’a pu s’entendre, puisque Rosatom fournit pratiquement la moitié de l’électricité à certains pays européens, dont la Hongrie et la Finlande.

Le soutien militaire ? Oui, mais…

En matière de soutien militaire à l’Ukraine, l’engagement européen est là aussi sans précédent. L’entente conclue entre plusieurs pays européens sur l’envoi de chars Leopard 2 à l’Ukraine était historique, et l’engagement semblait total, si l’on se fie au vote du Parlement européen le 16 février : les députés ont adopté une résolution demandant à la Commission européenne de fournir « une aide militaire à l’Ukraine aussi longtemps que nécessaire », en « considérant sérieusement l’envoi d’avions de combat, d’hélicoptères, de systèmes de missiles et de munitions supplémentaires ».

Or, ce consensus est loin d’être acquis. Les résolutions du Parlement européen ne sont pas contraignantes et la décision finale reste entre les mains des gouvernements nationaux.

Les positions nationales divergent notamment au sujet des avions de chasse. Si le président français, Emmanuel Macron, s’est dit ouvert à la possibilité, le chancelier allemand, Olaf Scholz, l’a rejetée, affirmant craindre une escalade de la guerre, mais aussi l’opinion publique allemande, qui n’était déjà pas majoritairement d’accord avec la livraison de chars.

Décisions collectives ou individuelles ?

En tenant compte de ce différend entre Paris et Berlin sur les avions de chasse, il faut rappeler que la visite de Zelensky à Bruxelles était précédée par une rencontre à trois dans la capitale française avec Macron et Scholz.

Cette rencontre a une valeur symbolique et politique : l’Allemagne et la France, respectivement première et deuxième économie de l’Union européenne, détiennent de longue date une influence et un pouvoir décisionnel majeurs au sein de l’Union. Rencontrer ces deux leaders avant les 25 autres chefs d’État européens à Bruxelles venait donc souligner leur primauté en tant que pays fondateurs de l’Europe.

L’Union européenne en est sortie avec une impression de désunion. La présidente du Conseil des ministres italien, Giorgia Meloni, a d’ailleurs jugé cette rencontre à trois inopportune pour cette raison. La perception d’une Europe à deux vitesses a émergé, avec un centre décisionnel à Paris et à Berlin, et les autres pays relégués aux rôles de deuxième rang.

Après un an de guerre en Ukraine, l’unité européenne est certes remarquable, mais souffre de plusieurs lacunes. Les différends économiques, politiques, historiques et institutionnels rendent le consensus difficile sur les sujets délicats. Et dans la nouvelle phase de la guerre qui s’amorce, marquée par un engagement militaire accru, cela n’est pas un problème marginal. Surtout lorsqu’on considère que les enjeux de sécurité de certains pays de l’Union européenne ne sont pas résolus. On pense notamment aux difficultés dans le processus d’adhésion de la Suède à l’OTAN, enrayé par l’opposition de la Turquie.

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