À quelques jours de l’anniversaire tragique du début de l’invasion russe en Ukraine, il est difficile de parler des bilans. Il n’y en a pas. La guerre bat son plein, des centaines de milliers de vies ont été sacrifiées, la résistance ukrainienne, appuyée par le front commun occidental anti-Kremlin, est impressionnante. Toutefois, la volonté russe de poursuivre les objectifs de son « opération militaire spéciale » ne semble pas faiblir non plus. Une impasse sanglante, tragique, épuisante.

Il y a donc lieu de se demander comment les objectifs des parties belligérantes ont évolué depuis le 24 février 2022, et ceci à la lumière de la situation sur le terrain. Si on se fie aux déclarations officielles des acteurs impliqués, ils restent les mêmes. L’Ukraine vise le rétablissement de son territoire souverain, y compris la Crimée. L’Occident augmente toujours son appui à l’Ukraine à l’aide de crédits et de livraisons d’armement de plus en plus lourd, y compris des blindés, et est sur le point de fournir des avions de combat. Il maintient que cet appui, aux dires du chancelier Scholz à la conférence de Munich le 17 février 2023, « ne prolonge pas la guerre, au contraire ». Le but déclaré est donc d’aider l’Ukraine à triompher sur le champ de bataille, de protéger les valeurs démocratiques occidentales et de punir la Russie.

De côté du Kremlin, aucun changement du discours non plus : Vladimir Poutine persiste dans sa volonté de protéger à sa manière les populations russophones, d’éradiquer ce qu’il qualifie de « nazisme » et de démilitariser l’Ukraine. Or, au moment d’écrire ces lignes, 20 % du territoire ukrainien demeure sous le contrôle russe, même si les Ukrainiens ont repris du terrain, des millions d’Ukrainiens ont quitté le pays, l’Occident a investi des milliards en crédits et en aide militaires, la Russie subit des sanctions sans précédent, mobilise 300 000 jeunes, souffre économiquement et commence à puiser dans son fonds d’urgence (qui est toutefois relativement bien garni).

Aucune partie ne peut se permettre de perdre. C’est une question existentielle pour l’Ukraine : il s’agit de sa souveraineté et de son intégrité territoriale.

C’est une question existentielle pour la Russie ou plutôt pour son président, qui ne peut pas reculer dans ce qu’il considère comme sa mission historique, même s’il se rend compte aujourd’hui de ses erreurs de calcul de 2022. Dans une moindre mesure, céder devant la Russie pour l’Occident, tout particulièrement pour les États-Unis, est très difficile. Il mise donc sur une victoire militaire de l’Ukraine. Tout ceci augure un prolongement de la guerre. Force est de constater que tous les moyens et – surtout – toutes ces vies perdues ont été investis, et le seront encore, dans une impasse.

Enjeux humanitaires

Ce sont les enjeux humanitaires, largement ignorés ou considérés comme secondaires tout au long de l’année d’invasion, qui appellent, selon moi, à travailler sur un cessez-le-feu. C’est un défi de taille en ce moment, étant donné que le président Zelensky a annoncé publiquement qu’il ne négocierait pas avec Vladimir Poutine et que les Russes s’annoncent trompés par l’Occident quant au non-respect des accords de Minsk.

Il n’y a pas d’ouverture à la négociation, soit. Pourtant, il y a une responsabilité de reconnaître que le prolongement de la guerre coûtera très cher en vies humaines avant tout.

L’absence de volonté de s’asseoir à la table de négociation avec Poutine est fort compréhensible. Pire encore, toute négociation commande des compromis – et c’est dur d’envisager de faire des compromis avec le Kremlin.

Cela étant dit, les choix sont limités. L’effort conjoint de faire reculer la Russie ne s’est pas avéré si efficace jusqu’ici, et les pertes humaines ne font qu’augmenter. De surcroît, faire encore plus pression sur le Kremlin et viser sa défaite sur le champ de bataille augmente les risques du recours à l’arme nucléaire de la part de Moscou, qui ne semble pas prêt à reculer. Il est impératif d’inclure la considération humaine dans le calcul des objectifs à poursuivre. Vladimir Poutine ne le fera certainement pas. Et l’Occident ?

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