Hydro-Québec a récemment annoncé avoir commencé une tournée provinciale auprès de parties prenantes pour engager un dialogue à propos de son ambitieux Plan d’action 2035 visant la décarbonation de l’économie québécoise.

C’est une bonne chose, car la transition énergétique prévue dans ce plan d’action, avec ses milliards investis sur tout le territoire, pourra être une réussite si elle mise sur la population, de trois façons : elle devra obtenir son soutien dans la mise en place des multiples projets qui se déploieront sur le territoire ; elle devra se faire de manière juste et équitable, notamment pour les travailleurs touchés par la transition ; et elle devra être assez inspirante pour attirer les nombreux travailleurs requis pour sa réalisation.

La transition, un chantier historique

Atteindre la carboneutralité en 2050 exige une profonde transformation dans une vaste gamme de secteurs, dont l’agriculture, les bâtiments, l’industrie et les transports.

Nos deux raffineries, à Montréal-Est et à Lévis, ont une capacité combinée de quelque 372 milliers de barils de pétrole par jour. Environ les trois quarts sont consommés par le secteur du transport : plus de 90 % des véhicules au Québec roulent encore avec de l’essence⁠1. Le gaz, lui, est surtout utilisé dans le secteur industriel. Pour remplacer ces énergies fossiles, on utilisera principalement de l’électricité produite avec de l’énergie renouvelable.

Le Québec est donc au tout début de sa transition. À partir de maintenant, les choses devront aller très vite pour avoir la chance d’atteindre les objectifs établis.

Les politiques publiques et les technologies joueront un rôle crucial. Mais au cœur de ce gigantesque projet, le citoyen ordinaire sera grandement interpellé, et déterminera le succès ou non de la transition.

D’une part, divers programmes l’inciteront à réduire sa consommation, voire à la déplacer dans certaines plages horaires. On misera grandement sur cette contribution.

D’autre part, ce même citoyen sera sollicité par une vaste palette de projets de production d’électricité sur le territoire : centrales hydroélectriques, parcs éoliens, projets de renforcement du réseau, nouvelles lignes de transport.

Tout cela fera l’objet de processus formels de consultation publique, où la population sera invitée à donner son avis.

Une transition juste souhaitée

La transition fera bien des gagnants : nous vivrons avec une meilleure qualité de l’air et bon nombre d’entreprises bénéficieront de juteux contrats.

Mais il y aura aussi des secteurs qui doivent dès maintenant réfléchir à leur avenir dans un contexte de transition.

La loi phare de soutien aux énergies décarbonées aux États-Unis, l’Inflation Reduction Act (2022), contient des mesures spécifiques pour la mise en place de projets dans les milieux à faible revenu et dans les milieux autochtones. Ainsi, dès 2023, 1800 mégawatts ont été attribués dans ces communautés pour divers projets inférieurs à 5 mégawatts.

Une approche de transition juste et équitable, ne laissant personne derrière, est reconnue comme étant essentielle pour réussir la transition.

En créant de bons emplois durables, elle peut même permettre de lutter contre des inégalités sociales et géographiques, voire favoriser une réconciliation avec les peuples autochtones.

« Ce qui est important, c’est que chaque pays favorise un dialogue continu afin de développer une vision commune de ce que signifie une transition juste pour les travailleurs, les communautés et les entreprises concernées. Si les gouvernements peuvent démontrer les avantages apportés par une transition verte, ils peuvent obtenir un plus large soutien public en faveur d’ambitions climatiques plus élevées », écrit le Programme des Nations unies pour le développement⁠2.

Une mobilisation de la main-d’œuvre

Enfin, la transition va nécessiter une large mobilisation de travailleurs. Jusqu’en 2035, Hydro-Québec estime que son plan va nécessiter l’apport de quelque 35 000 travailleurs de la construction. Seulement sur une base annuelle !

Ceux-ci devront être formés et engagés dans ces travaux dans un cadre rigoureux de santé et de sécurité au travail.

Ces divers projets, avec leurs budgets atteignant des centaines de millions de dollars, devront aussi être gérés par des hommes et des femmes faisant preuve de rigueur et de dextérité : un talent rare, encore plus dans un contexte où tous les corps de métier vivent une grave pénurie de main-d’œuvre.

Bref, cette transition tournera beaucoup autour des gens. Elle sera un succès seulement si elle réussit à obtenir leur adhésion et à favoriser positivement leur implication.

1. Consultez l’État de l’énergie au Québec 2024 2. Consultez « What is just transition ? And why is it important ? » (en anglais) Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue