Lettre ouverte à Maïté Blanchette Vézina

Madame la ministre,
Au début de votre démarche de réflexion sur l’avenir de la forêt, l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador vous indiquait que la mise en place d’actions et de mesures devait respecter les droits et intérêts des Premières Nations.

Pour cette raison, nous voulons vous informer que nous ne pouvons adhérer à la proposition de procéder à un zonage forestier qui prioriserait formellement la production de bois sur de larges portions de nos territoires.

Un tel zonage aurait pour effet de subordonner nos activités traditionnelles à l’intensification de la production ligneuse. Cela représenterait une seconde dépossession de nos territoires.

Bien que la proposition avancée par votre ministère soit difficile à déchiffrer, à la lecture des documents de consultation, nous comprenons que votre intention est de proposer une intensification de la sylviculture dans des zones dédiées prioritairement à une vocation de production de bois. Dans un récent avis « Changements climatiques : réflexion sur notre avenir forestier », le Forestier en chef écrit : « … il y a une plus grande importance à accorder à la sylviculture intensive qui aidera à supporter la production de bois pour répondre à la demande, et ce, dans des espaces définis par le zonage proposé ».

Une telle approche reviendrait à subordonner nos droits à l’intensification de la production ligneuse sur certaines portions de nos territoires. Vous comprendrez que cette idée soit totalement inacceptable pour nous, communautés signataires de cette lettre, tout autant que pour plusieurs autres communautés qui ont fait partie de la discussion à ce sujet lors de l’évènement Ensemble pour nos forêts, les 28 et 29 février dernier.

Pour des gestes respectueux de la Terre-Mère

Vous avez bien indiqué, Madame la Ministre, que cette consultation nationale vise à établir une vision commune des solutions d’adaptation aux changements climatiques nécessaires pour assurer la pérennité de nos forêts. L’enjeu est bien réel, les Premières Nations étant en première ligne pour constater les effets des changements climatiques ainsi que des incendies de forêt sur le territoire et sur notre mode de vie. L’adaptation ne concerne toutefois pas seulement la production ligneuse.

La résilience des forêts est une condition essentielle à la résilience de notre mode de vie. Les solutions mises de l’avant doivent non seulement respecter les droits des Premières Nations, mais aussi viser le maintien de conditions favorables à l’épanouissement de notre culture.

En ce sens, nous sommes surpris de ne trouver qu’un seul type de solution dans vos documents. Pourtant, d’autres options existent. Celles basées davantage sur la nature, offrent un bien meilleur potentiel pour répondre à nos besoins maintes fois exprimés.

Nous sommes favorables à l’idée de poser des gestes pour l’adaptation des forêts, mais nous souhaitons que ceux-ci soient respectueux de la Terre-Mère et qu’ils préservent la qualité des territoires familiaux à la base de notre mode de vie. Les aires d’intensification de la production ligneuse ne sont certainement pas l’outil qui permettra d’y arriver.

Nous souhaitons que le gouvernement du Québec reconnaisse officiellement les principes de la déclaration de Nations unies sur les droits des peuples autochtones dans toutes les décisions qu’il souhaite prendre, notamment par la mise en œuvre du principe de consentement, préalable, libre et éclairé dans les dossiers susceptibles d’avoir un impact sur la qualité du mode de vie autochtone dans nos Nitaskinan.

*Cosignataires : cheffe Vivianne Chilton, Conseil des Atkamekw de Wemotaci ; chef Sipi Flamand, Conseil des Atkamekw de Manawan

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