Le nombre d’étudiants internationaux en hausse

Suivant la tendance partout au pays, le nombre d’étudiants internationaux est soit en hausse considérable, soit loin d’être en déclin dans les quatre universités de la grande région d’Ottawa-Gatineau  - De gauche à droite: Nelly Azo, Satine Champion et Cyrielle Somda.

Suivant la tendance partout au pays, le nombre d’étudiants internationaux est soit en hausse considérable, soit loin d’être en déclin dans les quatre universités de la grande région d’Ottawa-Gatineau. Un phénomène qui ne s’essoufflera pas de sitôt avec la mondialisation du savoir, pense un expert de la question.


Selon les plus récentes données disponibles, on dénombre près de 14 900 étudiants internationaux sur les bancs – sur le campus ou à distance – des universités de la capitale fédérale et sa périphérie.

Toute proportion gardée, c’est à l’Université du Québec en Outaouais (UQO) où on observe l’accroissement le plus significatif, le nombre d’étudiants étrangers ayant haussé de 56% entre 2020 et 2022. La courbe pointe aussi vers le haut (entre 11% et 15%) à l’Université d’Ottawa de même qu’à l’Université Saint-Paul, alors que c’est la stabilité à l’Université Carleton.

De la Chine à la France en passant par le Maroc, la Côte d’Ivoire, l’Inde et le Sénégal, la citoyenneté des étudiants varie passablement d’une institution et d’un côté de la rivière à l’autre. Dans le top 10 des pays les plus représentés, on retrouve aussi, entre autres, l’Iran, l’Algérie, le Burkina Faso et le Nigeria.

À l’Université d’Ottawa, les étudiants chinois – on en comptait près de 3000 à la fin 2021 – sont de loin les plus représentés à l’international. Dans cette institution, les étudiants d’Asie sont plus nombreux que ceux de tous les autres continents réunis.

Il n’y a rien de trop surprenant à cette croissance du nombre d’étudiants étrangers, croit Frédéric Mérand, professeur et directeur du Département de science politique de l’Université de Montréal, qui parle de causes multiples.

«La première chose à dire, c’est qu’il y a une mondialisation du savoir, un phénomène qui n’est pas propre au Canada. Presque tous les pays qui ont des systèmes universitaires assez ouverts connaissent une augmentation du nombre d’étudiants internationaux. Le fait d’avoir comme langues officielles deux langues qui sont largement répandues à l’échelle de la planète, et ce n’est pas seulement vrai pour l’anglais, ce l’est aussi pour le français, est un facteur également. Si on fait des points de comparaison, l’Australie et la France sont probablement les pays qui reçoivent le plus d’étudiants internationaux et leur positionnement géographique et linguistique n’y est pas étranger. Le Canada, je pense, profite un peu de ça», dit-il.

Beaucoup d’avantages, peu d’inconvénients

Le spécialiste de la sociologie des relations internationales ajoute que des facteurs qui «dépendent de variables politiques» sont aussi à mettre dans la balance, citant à titre d’exemple les droits de scolarité plus favorables dont peuvent bénéficier les Français au Canada.

«Le troisième facteur, et on entre peut-être plus dans des choses plus près de mon expertise, c’est que le système universitaire canadien a beaucoup d’avantages et peu d’inconvénients dans cette lutte mondiale, dans le sens où les universités américaines jouissent d’une grande réputation mais sont extraordinairement chères, puis les universités de plusieurs pays européens ne jouissent pas toujours d’une grande réputation ou en tout cas n’ont pas toujours les moyens d’entretenir leur réputation. Dans ce contexte-là, les universités canadiennes sont quand même bien dotées, parce qu’accessibles pour l’essentiel, bien financées, avec un corps professoral de qualité, des services (bibliothèque, sports, psychologie, etc). C’est quelque chose qui revient toujours de la part des étudiants», note M. Mérand.

Ce dernier spécifie toutefois qu’il y a «des logiques qui dépendent vraiment des disciplines» et prévient que les chiffres agrégés sont souvent très trompeurs car certains domaines comptent très peu voire aucun étudiant étranger.

«Si vous allez en médecine, il n’y en a pas, toutes les disciplines protégées il n’y en a pas, mais il y a des disciplines qui sont très, très internationalisées. Le génie, les sciences politiques, le commerce, ce sont des disciplines qui par leur nature se prêtent à ce genre de mobilité internationale», mentionne-t-il.

Toute proportion gardée, c’est à l’Université du Québec en Outaouais (UQO) où on observe l’accroissement le plus significatif, le nombre d’étudiants étrangers ayant haussé de 56% entre 2020 et 2022.

Le professeur Mérand affirme aussi qu’il n’y a rien d’étonnant dans le portrait fort différent de la liste des pays de citoyenneté des étudiants internationaux sur la rive ontarienne versus la rive québécoise.

«C’est la langue qui fait cette réalité, cette divergence. On vit la même réalité à Montréal où McGill et Concordia (universités anglophones) accueillent beaucoup d’étudiants d’origine américaine, chinoise, indienne; alors que les universités francophones ont beaucoup d’étudiants français, d’Afrique subsaharienne et même de l’Amérique latine. La variable linguistique est assez déterminante», explique-t-il.

Cette tendance à la hausse va-t-elle se poursuivre ou un plateau sera atteint?

«Sur le long terme, oui, mais évidemment, il s’est produit des choses, notamment la fermeture de la Chine, qui vont probablement se refléter dans les chiffres. Beaucoup d’universités (dont l’Ud’O) ont misé sur la collaboration avec la Chine et l’arrivée d’étudiants chinois, et probablement que ça ne va pas continuer au même rythme, on peut émettre cette hypothèsee. Cette mondialisation-là va se poursuivre je pense, mais elle va se faire moins à sens unique. Dans les 30 dernières années, ce sont surtout les universités occidentales qui ont profité de ça, puisque c’était les élites des pays émergents qui s’inscrivaient, mais là il y a beaucoup de pays qui développent leurs propres universités de très bon niveau, dans les pays du Golfe, les pays d’Asie centrale comme le Kazakhstan. Singapour a des universités de première classe, sans compter la Chine et l’Inde. De plus, on voit que d’autres pays s’imposent», dit-il.

M. Mérand indique également qu’historiquement, l’élite ou les classes moyennes francophones, par exemple au Maroc, optaient pour l’Hexagone pour les études, mais que cette réalité a changé.

«Comme le système universitaire français est perçu à tort ou à raison sur le déclin, le Québec et le Canada sont de plus en plus attirants pour cette raison», analyse-t-il.

Les quatre universités sises à Ottawa et Gatineau accueillent environ 86 000 étudiants.

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Se déraciner pour se former

Un dénominateur commun unit Cyrielle Somda, Satine Champion et Nelly Azo: elles sont chacune détentrices d’un permis d’études au Canada et font partie des milliers d’étudiants internationaux qui, dans la carte du monde, ont arrêté leur choix sur la région de la capitale fédérale.

Si leurs histoires de vie, parcours académique et pays de provenance sont au premier regard dissemblables, reste que leur discours envers leur expérience depuis leur arrivée dans la spirale universitaire d’ici – toutes les trois à l’Université du Québec en Outaouais – est teinté de plusieurs similitudes. La façon d’enseigner moins «magistrale» et de suivre les cours s’avère un bel atout en comparaison avec leurs pays respectifs, croient-elles notamment.

Étudiante en écologie et environnement, Cyrielle est arrivée du Burkina Faso à l’hiver 2019 et est rapidement tombée sous le charme de son programme. Ayant d’abord penché pour la France, elle affirme qu’elle a plutôt choisi de rejoindre sa sœur qui étudiait déjà au Québec, «le chemin étant déjà tracé».

«Le niveau de proximité avec les professeurs me plaît beaucoup. C’est un programme assez jeune alors souvent on se retrouve cinq ou six par classe. Ils nous expliquent tout, nous conseillent par rapport aux choix de carrière, ça diffère beaucoup par rapport à ce qu’on reçoit comme éducation chez nous. Il y a beaucoup de cours pratiques ici, dans certains cours on a pratiquement la moitié des apprentissages qui sont des sorties sur le terrain ou des labos. La qualité de vie joue aussi pour beaucoup, on a la chance de pouvoir se développer, d’acquérir de l’expérience», affirme-t-elle.

Sourire aux lèvres, elle soutient s’être découvert une «fibre environnementale» en visitant la forêt Boucher et le parc de la Gatineau.

Nelly Azo

Ivoirienne, sa camarade Nelly, étudiante en sciences politiques et développement international, a fait un virage de domaine d’études en s’inscrivant ici, après avoir fait une licence en droit privé à Abidjan.

«Depuis que je suis toute petite, je voulais venir au Canada, j’ai de la famille, des cousines ici. Et la raison première, c’est qu’il y a plus d’opportunités. Là-bas, c’était plus des expériences avec la société (entreprise) de mon père, alors qu’ici tu as accès à des jobs où tu ne connais personne», raconte celle qui conclura ses études à la fin de l’année.

De son côté, Satine dit à la blague avoir davantage l’impression d’être une touriste puisque son permis d’études n’est valide que pour la session hivernale. Arrivée à Gatineau au début janvier, son vol de retour en France est prévu le 2 mai.

L’étudiante en sociologie et histoire dit sans détour que c’est la langue française qui a rapidement voire automatiquement fait pencher la balance en faveur du Canada, en particulier le Québec.

«C’est plus simple. Au départ, je ne pensais pas du tout partir en mobilité mais en réunion à la fac (mot employé en France pour désigner l’enseignement supérieur) avec un groupe d’amis, on s’est dit qu’on essaierait. J’ai pu le faire grâce au fait qu’on a beaucoup d’aide, sinon je ne serais pas partie, c’est très cher. C’est pour cela que je ne fais qu’un trimestre, je ne pourrais pas me permettre plus. [...] Dans tout ce qui est proposé (comme études à l’international), même en Europe il y avait peu de français, il y a beaucoup d’anglais. Il n’y avait pratiquement que le Québec. Il y avait la Suisse, mais du coup, tant qu’à partir, aussi bien partir loin», lance la jeune femme.

Si elle admet que sa famille et ses amis lui manquent passablement elle dresse un bilan fort positif de son expérience de l’autre côté de l’Atlantique. Et elle n’avait jamais vu plus que quelques flocons de neige auparavant.

«C’est vraiment une autre façon de faire des cours, c’est très différent de la France, la culture aussi est très différente. J’ai trois autres amis qui sont aussi venues ici et c’est vraiment un très bon choix. Il y a aussi la proximité avec les États-Unis si on veut voyager. [...] Ici,on a beaucoup plus d’autonomie, de travail personnel, les professeurs nous donnent le calendrier, on sait à l’avance les sujets dont on va parler, on connaît les évaluations, alors qu’en France, c’est beaucoup plus au fur et à mesure, ça permet moins de s’organiser. Juste le fait de tutoyer les profs, c’est bizarre pour nous (rires)», conclut-elle.