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Omicron, délestage... et un peu d’espoir pour 2022?

Le variant Omicron frappe de plein fouet le système de santé et la population québécoise actuellement.

CHRONIQUE / «Forcément, il y aura une fin. Toutes les pandémies passées nous démontrent l’atteinte d’un état d’équilibre. Le retour à la normale va se faire. Ce sera probablement une nouvelle normalité à laquelle on va s’habituer. Je ne pense pas me tromper sur le principe qu’une stabilisation et un équilibre vont se faire».


Après ce temps des Fêtes marqué par une multiplication de cas dans mon entourage autant que dans le vôtre j’en suis certaine, et cette toujours plus pesante crainte de voir que les hôpitaux ne dérougissent pas à l’heure actuelle, il y a de ces moments où j’en viens à avoir besoin d’un peu de perspective. Pas vous?

Sur le web, j’ai appris depuis longtemps à bien choisir ce que je lis, et surtout à qui je fais confiance. De ce nombre, il y a le microbiologiste et professeur titulaire à la Faculté de médecine dentaire de l’Université de Montréal, Jean Barbeau. Le fait qu’il soit originaire du secteur Cap-de-la-Madeleine n’a fait qu’ajouter une cerise chauviniste sur le sundae de cette considération que j’ai pour ses écrits qui sont non seulement réalistes, posés, magnifiquement vulgarisés, mais aussi toujours amenés dans une volonté d’apporter cette nécessaire perspective qu’il nous manque trop souvent à travers la gestion d’une telle crise.

Bref, sans être l’éternel «rassuriste», sa plume fait du bien. C’est donc avec lui que j’ai choisi de débuter l’année. Histoire de partir d’un bon... ok, d’un pas trop pire pied, cette année 2022.

Selon le professeur, il est présentement inutile et surtout contre-productif d’essayer d’obtenir une perspective à court terme pour voir l’évolution de la crise, puisqu’il faut actuellement juguler avec une transmission qui est absolument sans précédent et qui s’apparente même au niveau de transmissibilité de la rougeole, qui avait été évalué à un R0 de 18, soit la moyenne de transmission pour une personne positive à 18 autres personnes. En comparaison, la souche de Wuhan avait un R0 de trois, et le variant Delta un R0 de six. «Mais la moindre virulence d’Omicron, j’y crois toujours, la science nous le dit. À court terme, on ne la voit pas et c’est normal. Maintenant, est-ce qu’Omicron va sonner le glas de la pandémie? Non j’en doute. Delta est encore dans le décor, et il y aura peut-être d’autres variants. Ça, pour le moment, aucun scientifique ne peut le prédire», considère-t-il.

Jean Barbeau, microbiologiste et professeur titulaire à la Faculté de médecine dentaire de l’Université de Montréal.

Or, un fait demeure pour le scientifique, et c’est l’efficacité des vaccins. Ce qui le rassure par-dessus tout, c’est justement de voir que l’on affronte la vague Omicron en pouvant compter sur cette arme, sans laquelle en mars 2020 un variant comme Omicron aurait pu causer énormément de ravages. Ainsi, chez les personnes adéquatement vaccinées et qui ont contracté le variant durant les dernières semaines, on constate davantage de légers symptômes qui sont très majoritairement soignés à la maison, en isolement.

Or, les hospitalisations augmentent tout de même de façon importante, et n’a-t-on pas recommencé à avoir recours au délestage? Évidemment, répondra-t-il, puisque la proportion du nombre de personnes infectées dans la population explique cette hausse, et que les statistiques démontrent une fois de plus que les personnes non vaccinées, au prorata des personnes hospitalisées, ont fait grimper en flèche ces admissions dans les centres de santé.

D’où l’importance de maintenir LES mesures sanitaires. Jean Barbeau insiste sur «LES» mesures comme faisant partie d’un tout, qui peuvent être discutées individuellement, mais qui permettent tout de même, mises ensemble, de protéger à la fois les personnes plus vulnérables et le système de santé.

«Prenons le couvre-feu. Je ne suis pas prêt à dire que c’est mauvais, mais je ne suis pas non plus prêt à dire que ça va faire une très grande différence. Si ce qu’on veut c’est minimiser les contacts, effectivement le couvre-feu va minimiser un certain nombre de contacts. Est-ce que ça aura un impact? On ne le saura probablement jamais. Mais est-ce que c’est vrai que la science dit que le couvre-feu ne marche pas? Non ce n’est pas vrai non plus. Présentement, il se publie près de 1000 études par semaine sur le coronavirus. Mais la science n’est pas une collection de papier, c’est une méthode», nuance le professeur.

Et devant l’imposition de mesures qui restreignent les droits des personnes non vaccinées sans nécessairement que l’on puisse appuyer ces mesures sur des études scientifiques prouvant leur efficacité, il faut aussi savoir reconnaître que certaines mesures deviennent plus politiques que scientifiques. Qu’on met en place des décisions dans l’espoir de ne pas perdre l’adhésion de ceux qui ont adhéré depuis le début. Ça, le professeur n’y apposera pas son sceau de microbiologiste, c’est plutôt mon oeil analytique qui l’affirme, comme plusieurs autres observateurs de la scène politique d’ailleurs.

Par contre, le microbiologiste avance prudemment lorsqu’il est question de commenter le retour à l’école, toujours prévu pour le 17 janvier prochain, avec la distribution de tests rapides pour tous les élèves et la promesse d’équiper les écoles d’un meilleur système de ventilation. «D’un point de vue de la microbiologie, si le gouvernement peut dire que l’amélioration de la ventilation va être assurée, oui ça va me rassurer. Qu’on assure une bonne ventilation, un changement d’air, qu’on va sécuriser toute une série d’items qui vont freiner les éclosions... Je ne suis pas nécessairement inquiet si les conditions sont adéquates pour la prévention», résume-t-il.

Car il y a l’importance de limiter les éclosions, mais il y a aussi l’importance de minimiser les impacts sur tout le reste. La santé mentale de la population, l’apprentissage des jeunes, l’importance de la socialisation, font aussi partie de ces impacts. «La pandémie est une chose, mais il y a aussi tout ce qu’on laisse derrière, qu’on repousse et qui s’accumule. Le principe de précaution nous dicte qu’il faut prendre des mesures lorsque la science ne nous donne pas de certitude. Mais le principe de précaution nous dicte aussi de ne pas créer davantage de problèmes que le problème qu’on tente de résoudre. Il faut aussi regarder les impacts à plus long terme et tenter de trouver un équilibre», soutient Jean Barbeau.

L’abandon récent des tests PCR pour la population générale n’a pas de quoi le rassurer, puisqu’on perdra forcément cette capacité de prévoir, mais qu’on enlève également un outil de perspective à la population, qui était habituée de suivre depuis presque deux ans cette évolution, lui assurant du coup de voir comment la situation évolue. Mais Jean Barbeau demeure réaliste: la situation actuelle ne permettait plus de maintenir un aussi grand nombre de tests par jour.

En ce sens, le professeur Barbeau aimerait que le gouvernement recommence à subventionner ces tests PCR qui se faisaient à même les eaux usées des villes, et qui ont démontré dans le passé une grande efficacité quant à la mesure de la présence du virus dans la population. «Ça nous serait grandement utile présentement», est-il d’avis.

La perspective du retour à la normale, Jean Barbeau ne s’y risque plus tellement. Il a appris de cette fois où, sur Twitter, il avait écrit «on va bien finir par s’en sortir», et s’était fait littéralement ramasser par ceux qui n’avaient qu’une question: «Oui, mais quand»?

La vérité, c’est que la science n’a pas encore cette réponse, tout simplement parce qu’elle évolue avec le virus. Et comme l’a écrit Mohamad Safa, représentant aux Nations Unies, dans une récente publication sur Instagram: «La science cherche la vérité. Lorsque la science modifie son opinion, ce n’est pas parce qu’elle vous a menti. C’est parce qu’elle a appris.»

Et si la science ne peut pas encore nous donner avec précision une réponse à savoir «quand?», il faudra tout de même continuer de marcher main dans la main avec elle. Car si elle n’a toujours pas établi cette perspective, elle est encore la mieux placée pour y parvenir la première.