Non-respect du couvre-feu: 151 constats remis à des personnes en situation d’itinérance

L’Observatoire publiait lundi un rapport intitulé «Surengagement policier et judiciaire dans la gestion de la pandémie: conséquences pour les personnes judiciarisées et le système pénal». Il y analyse quelque 31 845 constats d’infraction signifiés en vertu des mesures sanitaires entre le 22 mars 2020 et le 27 juin 2021.

Pas moins de 151 constats d’infraction pour non-respect du couvre-feu ont été remis au Québec entre mars 2020 et juin 2021 à des personnes en situation d’itinérance, qui devaient pourtant être exclues de l’application de cette mesure sanitaire, dénonce l’Observatoire des profilages.


L’Observatoire publiait lundi un rapport intitulé «Surengagement policier et judiciaire dans la gestion de la pandémie: conséquences pour les personnes judiciarisées et le système pénal». Il y analyse quelque 31 845 constats d’infraction signifiés en vertu des mesures sanitaires entre le 22 mars 2020 et le 27 juin 2021.

Les données obtenues auprès du ministère de la Justice confirment qu’un nombre «extrêmement élevé» de constats d’infraction, soit 18 078 sur 31 845, ont été distribués pour non-respect du couvre-feu, indique-t-on dans un communiqué. 

Le couvre-feu a été dénoncé par plusieurs organismes pour sa nature «liberticide» et ses impacts sur les droits des personnes en situation de vulnérabilité, de précarité ou en situation d’itinérance, alors que l’utilité et la nécessité de cette mesure pour réduire la propagation de la COVID-19 n’ont jamais été démontrées, rappelle-t-on.

Le rapport révèle également que des constats d’infraction pour non-respect des mesures sanitaires ont été remis au Québec à 275 personnes ayant déclaré l’adresse d’un organisme en itinérance (dont 142 à Montréal). De ce nombre, 151 ont été signifiés pour non-respect du couvre-feu. 

Pour l’Observatoire des profilages, ces chiffres ne représentent que «la pointe de l’iceberg», puisque «bien des personnes en situation d’itinérance donnent l’adresse d’un ami ou d’un membre de la famille» et que ces données n’ont pas pu être comptabilisées.

«Le gouvernement a fait le choix politique de l’imposition d’un couvre-feu. Ce n’était pas une décision fondée sur la science. Rappelons-nous combien l’annonce du couvre-feu par le gouvernement a été faite avec maladresse et avec un manque flagrant de considération pour les personnes en situation d’itinérance. Le gouvernement a pris la peine de penser aux chiens à promener le soir avant de se soucier de la santé et de la sécurité des êtres humains qui sont sans-toit», dénonce dans le communiqué le coordonnateur de la Clinique Droit de cité, Frédéric Côté.

Le directeur de la Clinique Droits Devant, Bernard Saint-Jacques, déplore pour sa part que des constats pour non-respect du couvre-feu aient été donnés à des personnes en situation d’itinérance même après l’exemption qui leur avait été accordée. 

Selon l’Observatoire des profilages, la judiciarisation a des impacts importants tant pour les personnes visées que pour le système judiciaire. 

«Rappelons que l’amende associée à un constat est généralement de 1 550 $, incluant les frais. En date de l’extraction des données du rapport, la dette totale des personnes ayant reçu les constats étudiés était de près de 50 000 000 $. Par ailleurs, puisque 47,3 % des constats ont été contestés, jusqu’à 15 076 procès pourraient devoir être tenus à la grandeur du Québec. Ces coûts individuels et collectifs sont démesurés et délétères et risquent d’engorger un système déjà essoufflé», expose-t-il.

Selon la directrice de l’Observatoire, Céline Bellot, cette dette judiciaire de 50 M$ est d’autant «inquiétante» qu’elle concerne particulièrement les quartiers défavorisés à Montréal. 

«Cette judiciarisation renforce les inégalités et les discriminations, sans égard aux réalités et aux obstacles vécus par les personnes et les communautés durant la pandémie ni aux conséquences pour le futur», dénonce Mme Bellot, ajoutant que ce montant va d’ailleurs augmenter, «puisque des frais s’ajoutent à chaque étape judiciaire».

Pour la Ligue des droits et libertés, le recours à la répression policière et à la judiciarisation pour gérer une crise sanitaire est un choix politique «aux conséquences désastreuses». 

Rappelant que cette approche n’a jamais fait l’objet de délibérations à l’Assemblée nationale «puisque mise en œuvre par des décrets successifs», l’organisme réclame que la lumière soit faite sur la gestion «arbitraire» de la crise par une instance indépendante habilitée à rendre compte devant l’Assemblée nationale. 

L’Observatoire publiait lundi un rapport intitulé «Surengagement policier et judiciaire dans la gestion de la pandémie: conséquences pour les personnes judiciarisées et le système pénal». Il y analyse quelque 31 845 constats d’infraction signifiés en vertu des mesures sanitaires entre le 22 mars 2020 et le 27 juin 2021.