Participation citoyenne: les villes en font-elles plus qu’avant?

L’équipe de la Direction des communications et de la participation citoyenne de la Ville de Trois-Rivières. De gauche à droite: Cynthia Simard, directrice, Steven Hill Paquin, coordonnateur à la participation citoyenne, et Marie-Elaine Laroche, agente à la participation citoyenne.

Que ce soit par la construction et la réfection d’infrastructures, la création ou le réaménagement de nouveaux environnements comme un parc ou une intersection, chaque année, différents projets sont menés par les villes et municipalités du Québec. Ces projets sont règle générale choisis par le conseil municipal, formé de gens élus par la population. Mais outre le choix d’un représentant tous les quatre ans, les citoyens ont-ils réellement leur mot à dire sur le déroulement de la vie municipale? Comment peuvent-ils s’y prendre?


Il n’est pas inhabituel de voir des projets municipaux critiqués par des citoyens. À Trois-Rivières, un exemple récent est celui du réaménagement du boulevard du Carmel, présenté aux résidents du secteur en mai dernier. Lorsque Le Nouvelliste les avait rencontrés, plusieurs d’entre eux avaient affirmé avoir l’impression de ne pas être consultés. Une impression qu’ils ne sont pas les seuls à exprimer.

La question est légitime: les villes consultent-elles suffisamment leurs citoyens? Ou sont-ce ces derniers qui sont devenus plus exigeants et souhaitent davantage être impliqués aujourd’hui qu’il y a 10, 15 ou même 20 ans?

Il semble que ces deux hypothèses sont valides, selon Malorie Flon, directrice générale de l’Institut du nouveau monde (INM). Fondé dans le but de favoriser davantage de participation citoyenne, l’organisme basé à Montréal outille les municipalités qui souhaitent davantage impliquer leurs citoyens dans la prise de décision.

«Nous avions effectué un sondage en 2013, et nous avions vu que le quart des répondants estimaient que les citoyens n’avaient aucun rôle à jouer dans les décisions publiques, sinon que de voter aux élections. Mais la grande majorité était d’accord que leur avis devrait être considéré. Il faudrait voir comment le portrait a évolué, mais on peut formuler l’hypothèse que les citoyens veulent être davantage consultés», indique Mme Flon.

Celle-ci ajoute que l’INM a observé une demande croissante de la part des municipalités pour obtenir du soutien pour planifier et mener des consultations publiques.

«En 2012, on appelait les villes, il n’y avait pas beaucoup de demande. Mais depuis 2017, clairement, ça a augmenté. D’abord sur les questions d’aménagement et d’urbanisme, mais maintenant, on remarque qu’il y a plusieurs autres champs de compétence municipale sur lesquels on veut consulter», poursuit-elle.

Mme Flon ajoute qu’un nombre grandissant de villes se sont dotées d’une politique de consultation citoyenne, également depuis 2017.

«On observe aussi une augmentation du nombre d’organismes ou d’acteurs tiers qui offrent des services de participation publique, comme l’INM», mentionne-t-elle.

Pourquoi un tel engouement pour davantage d’implication? Laurence Bherer, professeure titulaire au département de science politique de l’Université de Montréal, avance deux explications.

«Les fusions ont aidé à ça, ça a créé un nouvel élan, des moments de réflexion plus stratégique. Évidemment, ça se répartit différemment d’une municipalité à l’autre, selon l’histoire et les demandes locales des citoyens», indique-t-elle.

La seconde explication est la modification de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, en 2016.

«La réforme de cette loi permet aux municipalités de se retirer du processus référendaire en échange de l’adoption d’une politique de participation publique. Il n’y en a pas beaucoup qui l’ont fait, mais ça a quand même eu comme effet d’instaurer de nouvelles normes dans les politiques de participation publique. Ça crée aussi une nouvelle dynamique et de nouvelles façons de faire, comme le budget participatif», explique Mme Bherer.

À Trois-Rivières, la Direction des communications et de la participation citoyenne a été créée en 2019. Il s’agissait d’un retour d’une direction chargée des communications avec les médias – ce volet était géré depuis 2014 par le cabinet de l’ancien maire Yves Lévesque. Par contre, c’est la première fois que la participation citoyenne se fait consacrer une direction.

Le mandat de cette dernière est d’agir comme une courroie de transmission et d’échange entre la Ville et les citoyens. Une courroie qui fonctionne dans les deux sens, insiste-t-on.

«Ça part d’une volonté politique de s’ouvrir au citoyen. À partir de ce mandat-là, on applique et on propose des processus de participation publique», explique Cynthia Simard, directrice des communications et de la participation citoyenne.

Ces processus vont prendre différentes formes du «spectre de la participation publique». Il peut s’agir de rencontres d’information, pour informer les citoyens qui risquent de sentir les impacts d’une décision prise par la Ville, de consultations publiques, qui visent à avoir l’avis des citoyens avant de prendre une décision, voire de confier à la population le mandat de penser et de choisir certains projets, comme c’est le cas avec le budget participatif.

«Mais même lorsque l’on mène une séance d’information pour expliquer une décision qui a été prise, ça ne veut pas dire qu’on n’est pas prêt à faire des changements ou des modifications pour que ça réponde mieux aux besoins du milieu. Ç’a été le cas lorsqu’il y a eu le réaménagement des rues Barkoff et Vachon, l’an dernier. Les gens ont eu l’occasion de s’exprimer et il y a eu certains réajustements», soutient Mme Simard.

Devrait-on consulter sur tout?

Pour certains citoyens, la Ville de Trois-Rivières devrait consulter davantage. Mais est-il possible de consulter sur tout? Est-ce souhaitable?

Selon la Direction des communications et de la participation citoyenne de la Ville de Trois-Rivières, la réponse à ces deux questions est non. Les ressources humaines – trois employés – ne sont pas suffisantes pour organiser des consultations sur chacun des projets menés par la Ville.

«La deuxième raison, c’est au niveau du type de projet. Quand les considérations sont techniques, par exemple la construction d’un bassin de rétention, on ne consultera pas monsieur et madame tout le monde pour savoir quelle grosseur il doit avoir, comment le confectionner, où on va le construire pour l’optimiser, ce sont des ingénieurs qui peuvent répondre à ça. Par contre, quand on va voir les gens, on va être dans l’optique de savoir quelles sont leurs préoccupations», explique Steven Hill Paquin, coordonnateur à la participation citoyenne.

Les citoyens peuvent cependant prendre part à la prise de décisions d’autres façons, par exemple lorsque des consultations sont menées pour déterminer les orientations et les plans directeurs des différentes directions de la Ville, ajoute-t-il.

Pour sa part, Laurence Bherer croit qu’il n’y a pas lieu d’opposer l’expertise d’un professionnel à celle d’un citoyen.

La chercheure croit par ailleurs qu’aucun projet n’est trop petit pour mériter une consultation publique.

«On gagne à consulter davantage. Ça crée plus d’intérêt pour la politique et les gens mobilisés, c’est mieux pour la démocratie municipale. C’est important que les gens ne se mobilisent pas juste pour les élections.

Malorie Flon, de l’INM, reconnaît qu’il n’est pas toujours possible de mener des consultations publiques sur tous les projets municipaux. Elle croit cependant que c’est vers quoi il faudrait tendre.

«Est-ce qu’une Ville doit consulter sur le réaménagement de chaque rue? Je ne sais pas. J’imagine qu’il faut parfois prioriser. Mais en général, la connaissance des citoyens devrait être prise en considération pour façonner le paysage urbain», mentionne-t-elle.

Le fait de consulter en amont, par exemple sur les orientations qui vont guider l’aménagement du territoire, peut aussi éviter des situations conflictuelles lorsque des projets seront réalisés, mentionne-t-elle.

Tendance à la hausse à Trois-Rivières

Pour revenir aux questions posées ci-haut: la Ville de Trois-Rivières consulte-t-elle suffisamment ses citoyens? Difficile d’y répondre clairement. Mais une chose semble évidente: elle le fait de plus en plus. C’est du moins ce que suggère le nombre d’activités menées par la Direction des communications et de la participation citoyenne.

De 2019 à 2021, 54 activités ont été réalisées, soit 14 en 2019, 17 en 2020 et 23 en 2021. De ce nombre, on compte 24 consultations, 14 sondages et 19 séances d’information. Quant à l’année 2022, on comptait 23 activités de participation citoyenne réalisées avant la mi-septembre.

«La participation citoyenne, plus ça va, plus les différentes directions se rendent compte à quel point ça peut être utile et qu’elles ont intérêt à venir nous voir tôt», estime Marie-Elaine Laroche, agente à la participation citoyenne. «Par exemple, pour notre politique d’habitation, on a fait trois consultations avec des gens et des profils différents. On prend vraiment en considération ce que les citoyens, les organismes et les spécialistes ont à dire. Et l’avantage de mener plusieurs consultations au lieu d’une seule, c’est que personne ne se sent exclu parce qu’il n’a pas eu le temps de s’exprimer.»

Le détail du mandat de chacun de ces comités et tables de travail se trouve sur le site de la Ville.

Une section du site est également consacrée à la participation citoyenne.