Profilage racial: il faut révoquer l’article 636 du Code de la sécurité routière

POINT DE VUE / Le 31 août dernier, sur l’autoroute 40 en direction de Rivière-des-Prairies, Stanley Bastien, un homme noir, fut intercepté par un agent de police qui invoqua le fait qu’il conduisait une voiture de location comme motif d’interpellation. Combien de personnes blanches conduisant une voiture de location se font intercepter ? Il s’agit d’un cas illustratif du phénomène «Driving While Black» ou «Noir.e au volant» que subissent les automobilistes noir.e.s.


Le terme Driving While Black ou «Noir.e au volant» est utilisé pour dénoncer le profilage racial dont sont victimes les automobilistes noir.e.s. En effet, l’article 636 du CSR du Québec qui permet aux policiers d’intercepter les véhicules de façon aléatoire est utilisé comme prétexte pour enquêter sur les personnes afro-descendantes comme de potentielles criminelles à cause de leur appartenance raciale ou ethnique réelle ou perçue. Cet article facilite et renforce les préjugés qui ont des effets disproportionnés sur les membres des communautés racisées et les Autochtones. 

L’interpellation policière basée sur les préjugés raciaux est bien documentée. Par exemple, l’an dernier, les chercheurs Victor Armony, Mariam Hassaoui, et Massimiliano Mulone, chargés de se pencher sur le profilage racial à Repentigny ont remis au service de police de la ville un rapport accablant sur le comportement de ses agents. On y apprend qu’à Repentigny, les Noirs sont trois fois plus susceptibles que les Blancs d’être interpellés comme piétons et intercepté en tant qu’automobilistes (représentant 17 % des cas), alors qu’ils ne constituent que 7 % de la population de la petite ville de la Région de Lanaudière. Les chercheurs, qui ont aussi pu s’entretenir avec les agents du service de police, affirment que ceux-ci sont dans le déni total par rapport au profilage racial !

Les citoyens et citoyennes issu.e.s des communautés noires et racisées ainsi que les Autochtones qui sont régulièrement visé.e.s par ce profilage réclament simplement le droit d’aller et de venir librement. Ce droit est reconnu à l’ensemble des Québécoises.e.s blanc.h.e.s, mais pas à eux.  Ils ne demandent aucun privilège, seulement le respect des droits garantis par les Chartes fédérale et provinciale des droits et libertés. Ce déni de droit questionne les fondements démocratiques de nos institutions censées traiter également tous les Québécois et toutes les Québécoises. Il s’agit d’un enjeu préoccupant qui devrait consterner toutes les Québécoises et tous les Québécois, et interpeller les partis politiques qui aspirent à gouverner le Québec et les candidat.e.s qui veulent nous représenter à l’Assemblée nationale le 3 octobre prochain. 

Traumatismes aux victimes

Les acteurs politiques n’ont à la bouche que la notion de «diversité et inclusion» et le fameux «vivre-ensemble». Mais les personnes racisées et Autochtones sont régulièrement ostracisées, contrôlées et exclues. Le profilage racial vise à rendre illégitime leur présence dans l’espace public. Fondamentalement, il s’agit d’une négation de leur citoyenneté. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse abonde dans le même sens lorsqu’elle reconnaît que le profilage racial est «l’une des formes que prend la discrimination qui freine la pleine participation à la société québécoise des minorités racisées».

Sur le plan individuel, de par sa nature dégradante, le profilage racial au volant et dans l’espace public cause tant de traumatismes aux victimes. Il est une forme d’intimidation institutionnalisée. Pourquoi mettons-nous en place des politiques de lutte contre l’intimidation tout en tolérant cette forme raciste d’intimidation ?  

Il est temps que le profilage racial au volant cesse. D’ailleurs, le vent commence à tourner grâce à la résistance et à la lutte des victimes elles-mêmes qui obtiennent gain de cause devant les tribunaux.  De plus, ces contrôles routiers aléatoires sont au cœur d’une poursuite en cour supérieure du Québec contre les gouvernements canadien et québécois, visant à faire invalider l’article 636 du C.S.R. 

La caravane « Noir.e au volant » que nous organisons à Québec le 17 septembre 2022 s’inscrit dans cette dynamique de lutte et de résistance. En effet, nous demandons au prochain gouvernement du Québec ainsi qu’aux députés qui seront élus le 3 octobre 2022, de démontrer un leadership visant l’élimination de la pratique du profilage racial dans notre belle province, en révoquant l’article 636 du CSR. 

Signataires

Collectif 1629
Table de concertation du Mois de l’histoire des Noirs
Communauté burundaise du Canada - Section de Québec
Collectif de lutte et d’action contre le racisme
Ligue des Droits et libertés – Section de Québec
Regroupement d’éducation populaire en action communautaire des régions de Québec et Chaudière-Appalaches (RÉPAC 03-12)
Casa-Latino-américaine
Service de référence en périnatalité pour les femmes immigrantes de Québec
Alliance de la Fonction publique du Canada – Section de Québec
Lakay
Red Coalition Inc.