Les énergies renouvelables n'échappent pas au bafouement des droits humains comme ce fut et c'est encore le cas des énergies fossiles. Plusieurs représentants des peuples autochtones ont lancé l'alerte lors d'un sommet à New York. Le cas de deux parcs éoliens en Norvège installés en illégalité avec les droits du peuple Sami, que Greta Thunberg soutient, est emblématique. 
La lutte contre le réchauffement climatique vaut-elle davantage que les droits des peuples autochtones ? C’est l’alerte que lancent les dirigeants des peuples autochtones à New York cette semaine. Réunis pour le 22e Forum des Nations-Unies sur le thème "Peuples autochtones, santé humaine, santé planétaire et territoriale, changement climatique : une approche fondée sur les droits", les représentants ont tour à tour pris la parole pour défendre leurs terres. Au cœur des discours : le "colonialisme vert", soit le fait d’accaparer des terres ancestrales au profit de la transition énergétique. 


Si le sujet est à l’ordre du jour, c’est que la liste de projets d’énergies renouvelables se faisant au détriment des droits des autochtones ne cesse de s’allonger. En février dernier, l’activiste Greta Thunberg était d’ailleurs montée au créneau pour défendre les Samis, anciennement baptisés les Lapons. Elle réclamait la destruction de deux parcs éoliens qui bafouent leurs droits à pratiquer leur culture, à savoir l’élevage de rennes. En octobre 2021, la Cour suprême norvégienne avait en effet déclaré unanimement que ces parcs étaient illégaux, violant les droits des peuples autochtones et contrevenant au Pacte international des Nations-Unies relatifs aux droits civils et politiques qui garantit aux communautés la possibilité de mener leur "propre vie culturelle". La Cour a ainsi invalidé l’autorisation d’exploitation des 151 turbines sur 130 kilomètres. 

L’excuse du virage vert


"Le virage vert n’est rien d’autre que la poursuite de l’extraction des ressources dans les régions samies, comme c’est la tradition depuis les premières rencontres entre les cultures. La différence est que l’utilisation des ressources a reçu une belle couleur, le vert ; nous l’appelons la "colonisation verte", écrit dans une tribune à Artic Today, Gunn-Britt Retter du Saami council, organisation représentant les peuples samis. "Nous avons d’abord été colonisés par des personnes extérieures à nos terres, puis par le changement climatique lui-même, généré par des personnes extérieures à nos terres, et nous sommes maintenant colonisés une troisième fois par les réponses au changement climatique", poursuit-elle. 


La manifestation à laquelle a participé Greta Thunberg en février a eu lieu symboliquement 500 jours après la décision de la Cour suprême. "Nous ne pouvons pas utiliser la prétendue transition climatique comme couverture pour du colonialisme", déclarait-elle au micro de la chaîne TV2. Terje Aasland, le ministre du Pétrole et de l’Energie norvégienne, s’est excusé du fait que "les permis accordés aux éoliennes impliquaient une violation des droits humains", assurant que des discussions étaient en cours. Mais ce cas n’est pas isolé. 

La centrale solaire en Guyane


Selon un rapport publié par le Business and Human Rights Resource Center en 2022, les plaintes contre les projets d’énergie renouvelable liées au non-respect des droits fonciers des autochtones ne cessent d’augmenter. "Si cette croissance indispensable (des énergies renouvelables, NDR) représente une opportunité unique, le secteur des énergies renouvelables est loin d’être immunisé contre des risques pour les droits humains qui ont historiquement affecté les combustibles fossiles et les industries extractives traditionnelles (…), indique le rapport. 


Des projets d’autant plus contestables que les peuples autochtones protègent 80% de la biodiversité mondiale. L’IPBES, la plateforme mondiale sur la biodiversité a appelé à de multiples reprises à les préserver et faire respecter leurs droits. De l’Arctique au Pacifique, ces peuples représentent 5% de la population mondiale. Et la France est aussi concernée. 


En Guyane, l’installation d’une centrale solaire à hydrogène, le projet CEOG, est accusée de ne pas respecter les droits des autochtones sur place. Depuis des mois, les habitants amérindiens du village de Prospérité essaient ainsi de bloquer le chantier. "Comment un projet solaire et hydrogène menace de virer à la ZAD en Guyane", titre même l’Usine Nouvelle. Reste que pour certains militants écologistes, la lutte contre le changement climatique est prioritaire. C’est notamment le cas de Frederic Hauge, à la tête de la fondation écologiste norvégienne Bellona. L’activiste a admis qu’il fallait sacrifier des terres pour baisser les émissions de gaz à effet de serre.
Marina Fabre Soundron 
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