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Métamorphose: une série pour penser l'après-COVID

Vigie-COVID, ou la médecine préventive personnalisée

03-12-2021

Photo: stokkete @ depositphotos.com

Des consignes sanitaires taillées « sur mesure » pour chaque individu seraient-elles préférables à des consignes gouvernementales à grande échelle? C’est la question à laquelle le projet Vigie-Covid tente de répondre.

Voilà bientôt deux ans que nous vivons au rythme des mesures sanitaires. Des gestes comme se laver les mains, porter un masque, rester à deux mètres des autres ou éviter les rassemblements dans les espaces mal ventilés sont devenus notre seconde nature.

Mais au début de la pandémie, quand le virus était moins connu, la situation était bien différente. « La situation n’était pas claire et les gens ne savaient pas vers qui se tourner pour savoir quoi faire pour se protéger du virus », se souvient Jean-Sébastien Paquette, médecin de famille et professeur à la faculté de médecine de l’Université Laval.

« Le gouvernement proposait différentes recommandations, mais il n’y avait pas d’études pour évaluer si elles étaient suivies. En tant que médecins de première ligne, nous avons voulu non seulement vérifier à quel point le public respectait ces mesures, mais aussi développer une méthode pour rejoindre directement la population, afin de sensibiliser aux dangers de ce virus les personnes les plus à risque de complications. »

Jean-Sébastien Paquette et Caroline Rhéaume, elle aussi médecin de famille et professeure à l’Université Laval, ont donc mis en place le projet Vigie-COVID. L’idée : comparer l’efficacité de recommandations prenant en compte la santé de chaque individu avec celle de consignes gouvernementales générales.

Une question que d’autres chercheurs s’étaient déjà posée. En mai dernier, par exemple, des travaux d’Eve Dubé, professeure en anthropologie à l’Université Laval, suggéraient que 75% des Québécois adhéraient à au moins quelques mesures sanitaires, 46% d’entre eux respectant même au moins trois d’entre elles (lavage de mains, distanciation et interdiction de rassemblements privés). Toutefois, ces travaux avaient aussi montré que cette adhésion variait dans le temps, avec une diminution marquée lors d’assouplissements des consignes par le gouvernement. D’où l’importance de la question soulevée par l’équipe de Vigie-COVID !

Nos habitudes de vie, un « match parfait » pour le virus?

L’équipe a mis au point un portail en ligne qui permet de guider le participant vers les conseils les plus adaptés à son état de santé. « Comme médecins de famille, on voulait rendre notre plateforme dynamique, avec une recommandation médicale en bout de ligne, explique Caroline Rhéaume. La majorité des portails ne font que récolter les données entrées par le patient, sans faire d’intervention médicale. Vigie-COVID se distingue par cet aspect ».

Pour y parvenir, chaque participant est invité à remplir différents questionnaires sur plusieurs thèmes : degré d’adhésion aux mesures sanitaires, risques de contracter la COVID-19 dans son entourage, habitudes de vie, santé physique et mentale…

Ces questionnaires ont été conçus en collaboration avec des dizaines d’experts en santé publique et saines habitudes de vie, afin d’obtenir les informations les plus utiles pour mesurer la santé et la sécurité du participant. Ensuite, un algorithme compile les résultats et dirige le participant vers une page proposant des mesures personnalisées en fonction de ses réponses.

« On a fait un gros travail pour que nos questionnaires mènent à des pages d’informations indiquant clairement si le participant est plus à risque de contracter la COVID, de développer des complications, de contaminer les autres, et quelles habitudes de vie il devrait modifier, » explique le Dr Paquette.

Notre journaliste s’est prêté au jeu et a rempli le questionnaire. Au bout d’une dizaine de minutes, il a reçu des informations lui indiquant que, bien que ses antécédents médicaux ne le mettent pas à risque de complications s’il contracte la COVID-19, son mode de vie serait un peu trop sédentaire ; il serait important de bouger davantage pour sa santé générale. Le tout accompagné de liens et de suggestions pour l’aider dans ses démarches!

Mais attention, Vigie-COVID n’est pas qu’une plateforme d’informations. Comme tout bon projet de recherche, les participants sont divisés en cohortes. « Nous avons deux groupes : l’un recevait des recommandations personnalisées, alors que l’autre servait de contrôle et recevait les recommandations gouvernementales plus générales, explique le Dr Paquette. Les participants ne savaient bien sûr pas de quel groupe ils faisaient partie. Chaque participant était ensuite invité à répondre à des questionnaires de suivi à différents intervalles (3 semaines puis 6 mois), pour voir si son comportement avait changé, ou s’il avait contracté la COVID-19 ».

L’objectif ? Vérifier si la plateforme Vigie-COVID exerce une influence positive sur les habitudes de vie, si elle permet aux participants de se rendre compte des risques que leurs faits et gestes font courir à leur santé, et s’ils agissent en conséquence pour changer ces comportements.

Avec l’avancement actuel du projet, pour lequel le recrutement est toujours en cours, les chercheurs ne sont pas encore en mesure de donner de résultats. Toutefois, les deux médecins de famille sont assez intéressés par ce qu’ils ont observé pour déjà avoir les yeux rivés sur l’après-COVID.

« On pourrait adapter ce système à une future pandémie avec de nouveaux symptômes, il suffit de changer les parties pertinentes, explique la Dre Rhéaume. Mais notre prochain objectif, c’est d’améliorer le portail pour faciliter la prise en charge de personnes atteintes de maladies chroniques. Il n’y a pas d’autres plateformes comme ça dans le monde. »

Ce projet, baptisé Vigie-Santé par les chercheurs, pourrait aider les patients aux prises avec le diabète ou la dépression, et même servir d’outil de médecine préventive. « Avec le manque de médecins de famille et un réseau de la santé labyrinthique, ce type de plateforme pourrait contribuer à soutenir les médecins et les patients » conclut la Dre Rhéaume. Des intervenants de première ligne numériques, en quelque sorte, qui pourraient faciliter la prise en charge des patients et même lancer l’alerte pour un suivi d’urgence sans même que ces derniers ne se rendent à l’urgence.

 

Cet article fait partie de notre série «Métamorphose» qui explore des solutions aux nombreux problèmes et défis révélés par la pandémie de COVID-19.

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