"Soutenez-nous" : dans la guerre de communication face au Hamas, Israël sponsorise des vidéos sur Youtube

Ces publicités apparaissent en "pré-roll", soit avant le lancement d'une vidéo sur la plateforme Youtube. Dans l'une d'elle, on débarque dans un monde féérique, une sorte de dessin animé. Une berceuse résonne en fond. On peut voir des licornes flotter dans le ciel au milieu d'arcs-en-ciel.

Après quelques secondes, la musique enfantine s'arrête subitement et un message écrit en anglais apparait. On peut lire : "Nous savons que votre enfant ne peut pas lire ceci. Quarante enfant ont été assassinés en Israël par  les terroristes du Hamas." Ce texte se termine par ces mots : "Maintenant serrez votre bébé dans vos bras et soutenez-nous."

Le ministère des Affaires étrangères israélien aux commandes

Bien que surprenante, cette communication s'appuie sur des leviers ancestraux. "La propagande et la communication institutionnelle jouent toujours sur les émotions", rappelle Héloïse Fayet, chercheuse à l'IFRI et spécialiste du Moyen-Orient. "Elle joue sur la surprise aussi. On est beaucoup plus vulnérable à un message envoyé sans s'y attendre. Là, on ne s'attend pas à voir un tel spot, on est beaucoup plus réceptif. En revanche, Israël doit être attentif au fait que ça ne se retourne pas contre lui et que le caractère un petit peu intrusif de ces vidéos n'ait pas l'effet contraire à celui recherché."

L'annonceur lui ne se cache pas, il est clairement identifiable. L'armoirie de l'État d'Israël apparait en fin de vidéo. Google, propriétaire de Youtube, confirme cette information car sur son site pour la "transparence publicitaire", "le ministère des Affaires étrangères israélien" est désigné comme l'acheteur de ces encarts publicitaires et donc l'auteur de ces vidéos.
"On est dans une forme de propagande blanche", explique Simon Thibault, chercheur à l'université de Montréal et spécialiste en communication politique. "On sait qui nous parle avec des éléments qui sont factuels pour convaincre le public."

"Assoir la légitimité de l'opération 'Glaive de fer'"

En plus de cette vidéo, douze autres ont été diffusées en France depuis le 8 octobre. Certaines de ces annonces reprennent des reportages réalisés par différents médias sur les attaques du Hamas contre les civils, d'autres font défiler des portraits d'Israéliens avec écrit "1300 victimes innocentes". Pour Simon Thibault, cette publicité permet d'accéder "à un public planétaire très rapidement, avec une diffusion à grande échelle".

Héloise Fayet observe que le but est "d'asseoir la légitimité de l'opération 'Glaive de fer' menée par Israël". "Les opérations et la mort de civils palestiniens commencent à affecter cette ligne et les hostilités commencent à faire naître des critiques envers Israël dans les sociétés occidentales. Il est donc important pour l'État hébreu de remobiliser l'opinion afin que les critiques ne soient pas trop fortes. Cela passe notamment par la diffusion de spots de communication institutionnelle sur YouTube."

Contacté, Google rappelle que la plateforme Youtube "a  des règles strictes en matière d'annonces sur la plateforme et le contenu monétisable". Si un évènement est déclaré par Youtube comme "sensible", "les annonces qui exploitent ou capitalisent sur les tragédies ne sont pas autorisées à moins qu'elles n'incluent un contexte crucial, tel qu'un rapport d'actualité faisant autorité". Un mois après le début de la guerre en Ukraine, le 23 mars 2022, Youtube avait suspendu la "monétisation de tout contenu qui exploite, ignore ou cautionne la guerre".