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Anna et Arnaud: L’itinérance au-delà des préjugés

Nous serions tentés de croire qu’il suffit de donner les clés d’un appartement à une personne en situation d’itinérance pour que tout soit réglé. Après tout, pourquoi choisir la rue plutôt que le confort d’un logement ? Dans les faits, c’est toujours beaucoup plus compliqué que cela.

L’excellente série Anna et Arnaud, réalisée par Louis Bélanger, exemplifie cette complexité avec justesse et arrive à point dans l’espace médiatique. Alors que l’itinérance visible est plus présente que jamais à Montréal, cette série permet d’humaniser l’itinérance et de stimuler l’empathie face à ce phénomène complexe et souvent mal représenté.

Il y a actuellement un grand nombre de citoyens et d’élus qui appellent à l’action pour les personnes en situation d’itinérance, reconnaissant l’ampleur des besoins. Il y a aussi des citoyens qui militent pour éviter que des refuges s’installent dans leur quartier, et ce, même en reconnaissant les besoins. C’est contradictoire : nous voudrions aider les personnes en situation d’itinérance, sans accepter de les voir.

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Un enjeu complexe

Nous voudrions tous que l’itinérance puisse se régler en une solution parfaite. Toutefois, le chemin a souvent l’allure d’un labyrinthe. Il s’agit d’un enjeu complexe pour lequel un coup de baguette magique suffit rarement ; il faut travailler sur plusieurs fronts en même temps en ayant toujours en tête les besoins multiples des différentes personnes qui vivent l’itinérance.

Si nous voulons concrètement lutter contre l’itinérance, il est essentiel de reconnaître les facteurs systémiques qui mènent à l’itinérance et agir en prévention : assurer le droit au logement, à la santé et à un revenu décent, lutter contre la violence faite aux femmes et aux enfants, contre le racisme et la stigmatisation, prévoir et soutenir la sortie d’institutions, décriminaliser les drogues, etc.

Les réponses qui accompagnent les personnes dans la sortie de l’itinérance sont nécessaires : logements sociaux et communautaires avec soutien communautaire, de l’accompagnement, des soins de santé adaptés, des ressources en réduction des méfaits et en désintoxication, etc.

Les réponses d’urgence pour les personnes qui ont des besoins immédiats sont et seront toujours nécessaires : lits d’urgence non conditionnels à des démarches spécifiques, des travailleurs de rues, des centres de consommation supervisés, des centres de jour et de soir, etc.

On constate d’ailleurs avec beaucoup d’inquiétude un désengagement de notre gouvernement envers ces réponses d’urgence. À Montréal, il est question de centaines de lits d’urgence qui ont perdu cette vocation depuis les dernières années. Or, ces lieux sont essentiels, entre autres pour les personnes qui, comme Arnaud, n’ont pas un parcours linéaire de sortie de l’itinérance.

Financement nécessaire

Les organismes communautaires en font déjà énormément pour répondre aux différents besoins. Mais pour arriver à prévenir et réduire l’itinérance, il faut que la reconnaissance de la complexité du phénomène de l’itinérance ainsi que de l’approche globale se concrétise davantage dans les actions et les choix politiques. Il faut du financement à la mission suffisant et récurrent pour soutenir les groupes, afin qu’ils puissent vraiment s’adapter aux besoins des personnes plutôt que de se contraindre aux exigences des programmes de financement à la carte, offerts selon les tendances et les intérêts politiques.

L’histoire d’Anna et Arnaud n’illustre malheureusement pas la seule histoire d’itinérance. Il y a tant d’événements qui peuvent mener à un basculement vers la rue, et personne n’en est à l’abri. L’itinérance n’est pas un échec individuel, mais bien un échec collectif. Il nous appartient collectivement de nous attaquer à ce qui la cause et ce qui la maintient.

Photo Courtoisie

Annie Savage, directrice du Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal

Photo Courtoisie

Joannie Veilleux, organisatrice communautaire au RAPSIM

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