Le meurtre d’une mère du Nunavik malgré de nombreux drapeaux rouges par son conjoint, qui venait de sortir de prison, met en lumière le manque criant de ressources dans les communautés autochtones, selon des expertes.
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«Pourquoi elle n’était pas suivie ? Pourquoi monsieur n’a pas été encadré en sortant de prison ? Dans les communautés autochtones, c’est un problème: il y a très peu d’intervenants formés, de services et ressources. C’est un cocktail encore plus explosif», déplore Manon Monastesse, directrice de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes.
En pleine vague de féminicides à l’hiver 2021, Kataluk Paningayak-Naluiyuk était devenue la 8e victime de l’année.
Photo courtoisie
Le 25 mars, une proche inquiète d’être sans nouvelles d’elle depuis plusieurs jours a téléphoné au Corps de police régional Kativik. Son corps inanimé a été retrouvé allongé sur le plancher de la salle de bain dans la résidence de son conjoint. Son pantalon et ses sous-vêtements étaient descendus sous ses fesses et son t-shirt remonté.
Les policiers ont aussi découvert Peter Ainalik, qui s’était visiblement enlevé la vie quelques jours plus tôt.
Drapeaux rouges
Le rapport du coroner fait état de la violence conjugale subie par cette femme aux mains de son conjoint, et qui était bien connue dans la communauté d’Ivujivik, où vivent environ 400 âmes.
Depuis le début de leur relation en 2018, elle s’était rendue à plusieurs reprises au centre de santé après avoir été violemment battue. Elle avait déjà eu des fractures aux côtes à cause de la violence qu’il lui faisait subir.
La femme de 43 ans a été suivie pendant un moment par les services sociaux. Ses proches l’avaient aussi prévenue de mettre fin à la relation.
Photo d'archives
«L’emprise du conjoint était si forte que les services sociaux [ne] pouvaient garantir sa sécurité. [Elle] éprouvait de la difficulté à couper les ponts et son conjoint parvenait à la manipuler pour la voir malgré les conditions d’interdiction de contact», écrit le coroner, Me Éric Lépine.
En matière de violence conjugale, il manque grandement de ressources adaptées aux réalités, valeurs et contexte sociohistorique des communautés autochtones, estime à son tour Sabrina Lemeltier, présidente de l’Alliance MH2 pour victimes de violence conjugale.
«On parle de victimes qui vivent dans de petites communautés, où tout le monde se connaît. C’est difficile de se tenir loin de son agresseur. [...] La confiance envers les autorités ou le système de justice n’est pas toujours là», met-elle en perspective.
Pas d’accusation
D’autant plus que l’homme de 44 ans, qui traîne un lourd passé judiciaire, avait écopé de deux ans de prison pour des voies de faits graves et armés envers sa conjointe en 2019.
Et il a récidivé peu après retour dans son village, le plus au nord de la région subarctique du Québec et accessible seulement par avion.
Les deux intervenantes sont estomaquées d’apprendre dans le rapport du coroner qu’aucune accusation n’avait été portée contre lui à ce moment, car la victime avait refusé de témoigner.
« Il y a un problème majeur au niveau du suivi des conditions. Ça en prend beaucoup pour qu’il y ait une intervention, les policiers essaient souvent de relativiser les bris. Pourtant, le fait de récidiver et d’avoir des antécédents comme lui, c’est le facteur numéro 1 pour prédire un passage à l’acte, un féminicide », insiste Mme Monastesse.
Photo d'archives, AGENCE QMI
Encore plus choquant
Au moment de tuer sa conjointe, Ainalik était toujours sous probation et dans l’interdiction de communiquer elle.
Celle-ci était mère de six enfants et également grand-maman: «Souvent, on s’arrête au nombre de femmes tuées, mais quand on calcule le nombre d’enfants impactés et qui deviennent orphelins, ça prend une dimension encore plus choquante», laisse tomber Sabrina Lemeltier.
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En 2021, les autochtones étaient trois fois plus à risque d’être tuée en raison de leur genre que l’ensemble des femmes au Canada, selon Statistique Canada.